10 ans +, Mort / Deuil
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Le printemps de Sakura

Je crois qu’on ne rentre pas la même personne que celle qu’on était après un voyage au Japon. J’ai eu la chance de faire ce merveilleux voyage en Octobre dernier et j’ai du coup encore envie de parler de ce pays pour qui un grand nombre ressent une forte attirance sans même y avoir mis les pieds. C’était mon sentiment depuis de nombreuses années et aujourd’hui, je ne pense qu’à y retourner pour découvrir encore plus de cette culture dont je me sens si proche.

Je relis les livres que j’avais déjà lu avant de partir mais maintenant, je les regarde d’un oeil si différent.

La nature et sa contemplation, apprendre à regarder les saisons qui passent pour ralentir le temps, ralentir la cadence de nos vies citadines.
Il y a une forte ambivalence dans le quotidien des japonais, ils travaillent à 100 à l’heure, ne se démarquent pas les uns des autres car ce serait très mal élevé, ils sont tous « en uniforme » selon nos critères et ils présentent l’organisation des fourmis autour de leur termitière et pourtant dans même dans ces villes tentaculaires existe une forme de sérénité. Il faut simplement se contenter du moment présent. La routine n’est pas ennuyeuse; c’est dans les rituels du quotidien que l’on rencontre la satisfaction.

Je ne sais plus car quelle biais, cette BD est apparue, Insta, un magazine gratuit sur la BD, Page des libraires, peu importe: elle avait tout pour me plaire sur le papier, à commencer par cetet couverture très inspirante. Avec les enfants qui grandissent, ça nous permet de vous proposer aussi des choses que vous apprécierez en tant qu’adultes

On pense que la mort d’un être aimé est insurmontable et pourtant, chaque année, le printemps revient, la vie continue malgré notre peine et c’est certainement en partie avec l’aide de la nature que l’on arrive à faire son deuil.

Sakura a perdu sa Maman, lorsqu’elle avait 5 ans. Elle a eu un accident de vélo. C’est le premier chapitre, celui qui évoque le passé en noir et blanc; celui de l’accident.

De Papa français et de Maman japonaise, la petite fille vit maintenant seule à Tokyo avec son Papa. Alors qu’une mission professionnelle l’envoie en Inde, Sakura va aller passer les vacances de printemps chez sa grand-mère, Obaa en japonais, dans un village au bord de la mer, ce qui ne la réjouit pas. Elle s’inquiète de tout ce qu’elle ne connait pas: la langue japonaise mal maitrisée, la vie dans une maison dans un village, la grand-mère et même le chat qui pourrait la mordre.

A chaque page, vous apprendrez quelque chose sur la culture japonaise. Sakura observe, écoute, imite les gestes de celle qui est la Maman de sa regrettée Maman. Elles apprennent doucement à se connaitre et on sent toute la bienveillance de cette Mamie qui veut transmettre les traditions. C’est une femme toujours active pour sa communauté, qui va guider Sakura dans la découverte de son quotidien.

Dans les tâches du quotidien, qu’elles exécutent ensemble, elles y trouvent du réconfort, elles parlent du passé, de l’enfance de la disparue. Elles s’apprivoisent, la confiance grandit comme une fleur qui pousse, lentement mais surement. d’ailleurs connaissez vous la signification de « Sakura », cerisier en fleurs, c’est ainsi que sa grand-mère la surnomme, petite fleur.

Il y a beaucoup de vignettes sans texte, un silence nécessaire pour parler du Japon.

Tous les soirs Sakura écrit son journal et nous rappelle ce qu’elle a fait avec sa grand-mère; le texte est écrit à l’encre bleu sur un papier quadrillé.

Cette grand-mère à la sagesse de mon Papa, elle explique en toute simplicité la vie et la mort comme faisant partie du cycle de la nature et les saisons qui reviennent, chaque année le printemps revient, peu importe la rudesse de l’hiver. Dans le printemps qui renait, il y a la vie et dans la vie il y a toujours un peu de ceux qu’on aime vivants ou morts. Le bonheur revient sans qu’on s’en aperçoive, le vide se remplit des petites choses de la vie. Quelle belle philosophie!

Cet album, selon moi est une merveille, je reste troublée à chaque lecture, tellement ce message est universel.
Je ne connaissais pas Marie Jaffredo et je ne sais pas si cet album est très personnel, si, comme moi elle a eu envie de Japon, si comme moi elle a traversé un deuil mais je ne peux que penser que c’est la cas, sinon, je ne pense pas qu’elle aurait trouvé les mots et les dessins avec une telle justesse dans les émotions que l’on peut ressentir dans ces moments là.
Ce pays et la renaissance vont de paire, c’est une évidence.

Je pense que cet album s’adresse à tous. Sakura a 5 ans, lorsqu’elle perd sa Maman, je vous laisse décider.

Marie Jaffredo
Glénat, Hors Collection Vents d’Ouest, 112 pages, 2022
19€
e-book 13,99€

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